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plus forts que quelque âne que ce pût être, se défiant de moi, et craignant de voir dégénérer leur race, si j’approchois des jumens, me poursuivirent en fureur, comme leur rival, sans aucun égard pour les droits sacrés de l’hospitalité. L’un se cabrant me présente son large poitrail, et m’assomme avec ses pieds de devant ; l’autre me tournant la croupe, me lance des ruades ; un troisième me menaçant avec un hennissement qui marquoit sa colère, accourt à moi, l’oreille basse, en me montrant ses dents aigües, dont il me mord de tous côtés. C’étoit à-peu-près la même chose que ce que j’avois lu dans l’histoire d’un roi de Thrace, qui faisoit dévorer ses hôtes infortunés (21) par des chevaux sauvages qu’il avoit, ce redoutable tyran, aimant mieux les nourrir de corps humains, que d’orge, tant il étoit avare. Ainsi, me voyant tout meurtri et la peau toute déchirée, par le mauvais traitement que je venois d’essuyer, je regrettois encore le temps que je tournois la meule du moulin.

Mais la fortune qui ne se lassoit point de me persécuter, me prépara de nouveaux tourmens. On me destina à aller quérir du bois à la montagne, sous la conduite d’un jeune garçon, le plus méchant qu’il y eût au monde. Je ne souffrois pas seulement beaucoup de la fatigue de grimper au haut de cette montagne, qui étoit fort élevée, et de m’user la corne des pieds sur des pierres aigües, mais encore