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et méchante, me mit aussi-tôt sous le joug, pour me faire tourner la meule du moulin, et me frappant souvent avec un bâton, elle préparoit de quoi faire du pain pour sa famille, aux dépens de ma peau. Non contente de me faire travailler pour elle, elle me faisoit moudre le bled de ses voisins, dont elle retiroit de l’argent, et malgré toutes mes peines, infortuné que j’étois, encore ne me donnoit-elle pas l’orge qu’on avoit ordonné pour ma nourriture ; elle me le faisoit moudre, et le vendoit aux paysans des environs, et après que j’avois tourné tout le jour cette pénible machine, elle ne me donnoit le soir que du son mal-propre, non criblé, et tout plein de gravier.

Au milieu de tant de malheurs, dont j’étois accablé, la fortune cruelle m’en suscita de nouveaux, afin que, selon le proverbe, je pusse me vanter de mes hauts faits, tant en paix qu’en guerre ; car ce brave intendant des haras, exécutant l’ordre de son maître, un peu tard à la vérité, me mit enfin avec les jumens. Etant donc en liberté, plein de joie, sautant et gambadant, je choisissois déjà les cavalles qui me paroissoient être les plus propres à mes plaisirs ; mais, dans cette occasion, comme dans plusieurs autres, l’espérance agréable dont je m’étois flatté, se vit bientôt détruite ; car les chevaux qu’on engraissoit depuis long-temps pour servir d’étalons, qui d’ailleurs étoient fiers, vigoureux, et beaucoup