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la nôce, la nouvelle mariée ne cessa point de parler à son époux et ses parens des obligations qu’elle prétendoit m’avoir, tant qu’enfin ils lui promirent de me combler d’honneurs ; et les amis particuliers de la famille assemblés (20), on délibéra de quelle manière l’on pourroit me récompenser dignement. Il y en eut un qui étoit d’avis qu’on me gardât à la maison sans me faire travailler, en m’engraissant avec de l’orge broyé, des fèves et de la vesce ; mais l’avis d’un autre prévalut : il conseilla qu’on me mît plutôt en liberté à la campagne, avec des jumens, pour produire des mulets.

On fit donc venir celui qui avoit le soin des haras, à qui l’on ordonna de m’emmener, après qu’on m’eut bien recommandé à lui. J’allois, à la vérité, avec une fort grande joie où l’on me menoit, songeant que je ne serois plus obligé de porter aucuns fardeaux et qu’étant en liberté je pourrois trouver quelques roses au retour du printemps, quand l’herbe des prés commence à pousser. Il me venoit même souvent en pensée que, puisqu’on me traitoit si bien sous ma figure d’âne, ce seroit encore toute autre chose, quand j’aurois repris ma forme humaine.

Mais, d’abord que cet homme m’eut mené à la campagne, je n’y trouvai ni les plaisirs, ni la liberté que j’espérois ; car sa femme, qui étoit avare