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vin, et conduisant devant eux un troupeau de bêtes, dont ils choisissent un vieux bouc fort grand et bien chargé de poil, et qu’ils sacrifient au dieu des combats.

Aussi-tôt ils travaillent aux apprêts d’un fort grand repas. Le nouveau-venu prenant la parole : Il faut, leur dit-il, que vous connoissiez que je ne suis pas seulement digne d’être votre chef dans vos expéditions militaires, et dans vos brigandages, mais que je mérite encore de l’être dans ce qui regarde vos plaisirs. En même-temps mettant la main à l’ouvrage, il s’acquitte de tout ce qu’il entreprend avec une facilité merveilleuse ; il balaie la place, dresse les lits pour se mettre à table, fait cuire les viandes, apprête les sauces, et sert le repas fort proprement ; mais sur-tout il prend soin d’exciter ses camarades à boire de grands coups et souvent, pour les enivrer. Cependant, faisant quelquefois semblant d’aller chercher des choses dont il avoit besoin, il s’approchoit souvent de la jeune fille, et d’un air riant, il lui donnoit quelques morceaux de viande, qu’il avoit pris en cachette, et lui présentoit des verres de vin, dont il avoit goûté auparavant. Elle prenoit avec plaisir tout ce qu’il lui apportoit, et de temps en temps il lui donnoit quelques baisers, auxquels elle répondoit de tout son cœur, ce qui me déplaisoit extrêmement. Quoi ! disois-je en moi-même, fille indigne, as-tu déjà oublié ton