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y avoit destinée, je craignois encore pour ma propre vie ; car je pensois en moi-même que, pendant que je serois avec elle, quelque bête que ce pût être qu’on lâchât sur elle, cet animal ne seroit pas assez sage, assez bien instruit, ou assez sobre pour dévorer une femme à mes côtés, sans me toucher, parce que je n’étois pas condamné.

Etant donc alors plus en peine encore pour la conservation de ma vie, que pour celle de ma pudeur ; pendant que mon maître prenoit le soin de faire dresser le lit, que ses valets étoient occupés les uns aux préparatifs d’une chasse qu’on devoit représenter, les autres à regarder le spectacle, et que personne ne se mettoit en peine de garder un âne aussi doux que je le paroissois, je me vis en liberté d’exécuter ce que j’avois imaginé, et je me retirai peu à peu sans faire semblant de rien. Etant arrivé à la porte de la ville, je me mis à courir de toute ma force. Après avoir fait trois lieues entières au galop, j’arrivai à la ville de Cenchrée, que l’on dit être une belle colonie des Corinthiens ; elle est située sur le golfe d’Egine, qui fait partie de la mer Egée ; elle a un très-bon port, et est extrêmement peuplée. Comme je fuyois le monde, je fus chercher un endroit écarté sur le bord de la mer, et je me