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prières et ses instances redoublées, elle consentit enfin, quoiqu’avec beaucoup de peine, qu’il s’en allât. Mais le breuvage qu’il avoit pris, avoit porté sa malignité du fond de ses entrailles dans toutes ses veines ; ensorte qu’il n’arriva chez lui qu’avec bien de la difficulté, fort malade, et avec un assoupissement et un mal de tête effroyable : et après avoir conté à sa femme avec assez de peine ce qui s’étoit passé, et lui avoir donné ordre d’aller demander au moins le prix de la mort qu’il avoit procurée et de la sienne, ce brave médecin rendit l’ame.

Le jeune homme n’avoit pas vécu plus longtemps que lui ; il avoit péri du même genre de mort, au milieu des fausses larmes de sa femme. Après qu’il eut été mis dans le tombeau, au bout de quelques jours qui avoient été employés à faire les cérémonies de ses funérailles, la femme du médecin vint demander le prix de sa mort et de celle de son mari. Mais la veuve du malheureux jeune homme, conservant toujours son caractère de méchanceté, affecta de lui montrer une bonne foi, dont elle étoit bien éloignée, et lui répondant honnêtement, elle lui promit d’en user parfaitement bien, et de lui payer sans retardement ce qu’elle lui devoit, pourvu qu’elle voulût bien lui donner encore un peu de poison, dont elle avoit besoin, dit-elle, pour achever ce qu’elle avoit commencé ; ce que la veuve du