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naître entre nous une haine aussi terrible que celle qui étoit entre Etéocle et Polinice (7).

Après s’être fait l’un à l’autre ces reproches, et quelques autres de même nature, ils firent serment tous deux, qu’ils étoient innocens de ces larcins, et convinrent ensemble d’apporter tous leurs soins pour en découvrir l’auteur ; car, disoient-ils, ces sortes de mets ne conviennent point à cet animal qui reste seul ici ; cependant les meilleurs morceaux de ce que nous y serrons, disparoissent chaque jour, et il est bien certain qu’il n’y vient point de mouches aussi grandes que l’étoient autrefois les harpies qui emportoient les viandes de la table de Phinée (8).

Cependant à force de me bien traiter, et de manger abondamment des mêmes choses, dont les hommes se nourrissent, ma peau s’étoit étendue, j’étois devenu gras et d’un embonpoint extraordinaire, et mon poil s’étoit fait propre et luisant. Mais cette beauté que j’avois acquise, fut cause que ma modestie reçut un grand affront ; car mes deux maîtres, surpris de me voir en si bon état, contre mon ordinaire, et remarquant que le foin qu’on me donnoit chaque jour, restoit sans être diminué en aucune façon, tournèrent toute leur attention sur moi, et après qu’ils eurent fermé la porte de leur appartement, à l’heure accoutumée, comme s’ils fussent sortis pour aller aux bains, ils se mirent à me regarder par un petit trou, et me virent appliqué à