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sans qu’il fût permis après cela d’y rien changer, et dans le moment on le livroit au supplice. Alors un vénérable vieillard, médecin de profession, qui étoit un des juges, et qui s’étoit acquis une grande autorité dans le sénat, par sa prudence et son intégrité, couvrit l’urne avec sa main, de peur que quelqu’un n’y jettât son billet avec trop de précipitation, et parla au sénat en cette sorte.

Je me réjouis, Messieurs, d’avoir vécu si longtemps, puisque, dans tout le cours de ma vie, j’ai été assez heureux pour mériter votre approbation, et je ne souffrirai point qu’on commette un homicide manifeste, en faisant mourir ce jeune homme sur de fausses accusations, ni qu’abusés et surpris par les mensonges d’un vil esclave, vous rompiez le serment que vous avez fait de rendre la justice. Je ne puis, au mépris des Dieux, et contre ma propre conscience, souscrire à cette injuste sentence, que vous êtes prêts de prononcer. Je vais donc vous apprendre, Messieurs, comme la chose s’est passée. Il y a déjà du temps que ce scélérat que vous voyez, me vint trouver, et m’offrit cent écus d’or, pour avoir de moi un poison fort prompt, dont un homme, disoit-il, accablé d’une maladie de langueur, et qui étoit incurable, avoit besoin, pour se délivrer des tourmens et des misères de cette vie.

Voyant bien par les mensonges et les mauvaises raisons que ce scélérat me donnoit, qu’il méditoit