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Enfin César voulut que ma troupe fût exterminée, et cela fut fait en moins de rien, tant la simple volonté d’un grand prince a de pouvoir. Ainsi tous mes camarades ayant été à la fin taillés en pièces, j’eus beaucoup de peine à me sauver, et seul je me tirai des bras de la mort, de la manière que vous allez entendre. Je me mis sur le corps un habit de femme assez propre et fort ample ; je me couvris la tête d’une de leurs coëffures (9), et je me chaussai avec des souliers blancs et légers, comme elles les portent d’ordinaire. Ainsi déguisé et transformé en un autre sexe que le mien, je me sauvai au travers des troupes ennemies, sur un âne qui portoit quelques gerbes d’orge.

Les soldats croyant que je fusse une paysanne, me laissèrent passer librement, d’autant plus qu’en ce temps-là, j’étois fort jeune, et n’avois point encore de barbe. Je n’ai cependant pas dégénéré pour cela de la gloire que mon père s’est acquise, ni de ma première valeur ; car, quoique je ne fusse pas sans crainte, étant si près des troupes de l’Empereur, je n’ai pas laissé, à la faveur de mon déguisement, d’attaquer seul quelques maisons de campagne et quelques châteaux, et d’en arracher cette petite subsistance. En même temps, il tira de ces méchans haillons, dont il étoit vêtu, deux mille écus d’or, qu’il jetta au milieu de la place : Et voilà, continua-t-il, un présent que je vous fais à tous (10), ou