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au silence, et en cachant aux yeux de ce jeune homme une petite rougeur que sa vue lui faisoit naître ; mais, dans la suite, quand cet amour déréglé se fut absolument rendu maître de son ame, elle fut forcée de succomber sous sa violence ; et, pour mieux dissimuler les peines qu’elle souffroit, elle cachoit la blessure de son cœur sous une feinte maladie.

Personne n’ignore que l’abattement du corps et du visage ne convient pas moins à ceux que l’amour tourmente, qu’à ceux qui sont malades. Elle avoit le teint pâle, les yeux mourans, à peine pouvoit-elle se soutenir ; son sommeil étoit inquiet et troublé, et ses fréquens soupirs exprimoient sa langueur. Si vous n’eussiez vu que les larmes qu’elle répandoit à tout moment, vous auriez cru qu’elle étoit tourmentée d’une fièvre très-ardente. O médecins ignorans ! que signifioit ce poux élevé, cette ardeur immodérée, cette difficulté de respirer, et ces fréquentes palpitations de cœur ? Grands Dieux ! sans être médecins, quand on voit une personne qu’un feu interne consume, sans qu’il paroisse violemment au-dehors, qu’il est aisé de connoître, pour peu qu’on ait d’expérience sur cette matière, que c’est un effet de l’amour.

Cette femme tourmentée de plus en plus par la violence de sa passion, se résout enfin à rompre le silence. Elle ordonne qu’on lui fasse venir son beau-fils, nom qu’elle auroit bien voulu qu’il n’eût jamais