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de l’âne, ils rapportent qu’un jour un âne regardant par une fenêtre dans l’attelier d’un potier, cassa quelques-uns de ses pots ; qu’aussi-tôt le potier fit appeller en justice le maître de l’âne, lequel interrogé par les juges, de quoi il étoit accusé, du regard de mon âne, dit-il ; ce qui ayant fait rire toute l’assistance, passa depuis en proverbe, et se disoit, quand on attaquoit la réputation de quelqu’un sur des choses de peu d’importance, et qui ne valoient pas la peine qu’on y fit attention.

A l’égard de l’ombre de l’âne, ils prétendent qu’on disoit ce proverbe, quand on vouloit parler de ces sortes de gens qui sont curieux de savoir des bagatelles, et qui négligent de s’instruire des choses nécessaires. Voici ce qui y a donné lieu. Un jour Démosthêne plaidant une cause pour un homme accusé d’un crime capital, et voyant que les juges n’avoient aucune attention à son discours, il s’avisa de leur dire : Messieurs, un jeune homme avoit loué un âne pour aller en quelque endroit ; comme il étoit en chemin, il voulut se reposer quelque temps, pendant la grande chaleur du jour, et se coucha à l’ombre de l’âne. L’ânier qui le conduisoit s’y opposa, lui disant, qu’il lui avoit loué son âne, à la vérité, mais qu’il ne lui avoit pas loué l’ombre de son âne ; et, sur cela, il appella le jeune homme en justice. Démosthêne s’arrêta en cet endroit, et remarqua que toute l’assistance étoit fort attentive à ce récit. Quoi ! Messieurs, reprit-il en s’écriant, vous prêtez l’oreille à des bagatelles, et vous n’écoutez pas une affaire où il s’agit de la vie d’un homme.


Fin des Remarques du neuvième Livre.