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de présens, et la conjura avec la dernière instance, de faire pour elle, de deux choses l’une, ou d’appaiser la colère de son mari, de manière qu’elle pût se raccommoder avec lui, ou si cela étoit impossible de lui envoyer quelque spectre ou quelque furie qui le tourmentât et lui ôtât la vie.

Cette magicienne, dont le pouvoir s’étendoit jusques sur les Dieux mêmes, n’employa d’abord que les moindres efforts de son art détestable, pour calmer la fureur du mari, et rappeller sa tendresse pour sa femme. Mais, voyant qu’elle n’en pouvoit venir à bout, indignée de ce que ses enchantemens n’avoient rien produit, et ne voulant pas perdre la récompense qui lui étoit promise, elle commença à attaquer les jours du malheureux meunier, et à susciter contre lui l’ombre d’une certaine femme qui avoit péri de mort violente.

Mais peut-être, lecteur scrupuleux, contrôlant ce que je viens de dire, me ferez-vous cette objection. Comment se peut-il faire, âne extravagant, qu’étant continuellement dans ton moulin, tu aies pu savoir des choses que tu nous dis toi-même, que ces deux femmes firent secrétement ? Apprenez donc comment, curieux comme je suis, et caché sous la forme d’un âne, j’ai pu être instruit de tout ce qui se fit pour faire périr le meunier mon maître. Environ à l’heure de midi, parut tout d’un coup dans le moulin une femme affreuse, triste et abattue, comme