Page:Apulée - Les Métamorphoses, Bastien, 1787, II.djvu/223

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

troublée, elle a pris le parti sur le champ de faire mettre cet homme sous une grande cage d’osier fort élevée, entourée de draps qu’on blanchissoit à la vapeur du soufre qu’on faisoit brûler par-dessous. L’ayant ainsi bien caché, à ce qu’elle pensoit, elle est venue se mettre à table avec nous, sans marquer aucune inquiétude. Pendant ce temps-là, le jeune homme qui respiroit l’odeur âcre et désagréable du soufre, dont la fumée l’enveloppoit comme un nuage, et le suffoquoit, étoit prêt de rendre l’ame, et ce pénétrant minéral, suivant sa vertu ordinaire, le faisoit éternuer de temps en temps. Le mari qui étoit à table vis-à-vis de sa femme, entendant le bruit qui partoit de dessous la cage qui étoit derrière elle, et pensant que ce fût elle qui éternuoit, la salue la première fois (20), en disant ce qui se dit ordinairement en pareille occasion, ainsi que la seconde, la troisième fois, et plusieurs autres de suite ; jusqu’à ce qu’enfin, surpris de voir que ces éternuemens ne finissoient point, il entre en soupçon de la vérité du fait, et poussant brusquement la table, il va lever la cage, et découvre cet homme qui avoit presque perdu la respiration.

Transporté de colère d’un tel outrage, il demandoit son épée avec empressement, et vouloit égorger ce malheureux qui étoit mourant, si je ne l’en eusse empêché, quoiqu’avec beaucoup de peine, dans la crainte que j’avois, que cela ne nous fît une