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dur et le plus méchant, je me voyois encore accusé d’avoir volé mon hôte, pour qui j’avois beaucoup d’amitié ; ce qu’on devoit regarder avec raison, moins comme un vol, que comme un parricide (3) : et il m’étoit impossible de défendre mon innocence, ni même de proférer une seule parole, pour nier le fait. Cependant ma patience étant à bout, de peur qu’il ne parût que le reproche de ma mauvaise conscience, me faisoit avouer tacitement un crime si odieux, je voulus m’écrier : Non, je ne l’ai pas fait ; Je dis bien le premier mot, avec ma voix forte et rude, et je le dis plusieurs fois ; mais je ne pus jamais prononcer le reste de quelque manière que je tournasse mes grandes lèvres. Ainsi je m’en tins à cette parole : Non, non ; et je la répétai plusieurs fois ; mais qu’ai-je encore à me plaindre des cruautés de la fortune, après qu’elle n’a pas eu honte de me soumettre au même joug et au même esclavage que mon cheval.

Pendant que je repassois tout cela dans mon esprit, il me vint une inquiétude bien plus vive et bien plus pressante, par le souvenir de la résolution que les voleurs avoient prise de m’immoler aux manes de la jeune fille ; et regardant souvent mon ventre, il me sembloit déjà que j’étois prêt d’accoucher de cette pauvre malheureuse. Cependant celui qui venoit de rapporter cette fausse accusation qu’on faisoit contre moi, tira mille écus d’or, qu’il avoit cachés et cousus