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comme ils vouloient le chasser ; il ajoutoit que quelques-uns des chevaux qui avoient été mordus, ressentoient déjà les effets de la rage.

Cette nouvelle donna l’alarme à tous ceux qui étoient dans la salle, qui, s’imaginant par ce que l’on m’avoit vu faire, que j’étois attaqué du même mal, s’armèrent de tout ce qu’ils purent rencontrer, s’exhortant les uns et les autres à se garantir du péril qui les menaçoit, et se mirent après moi, comme des enragés qu’ils étoient bien plutôt que moi. Ils m’alloient mettre en pièces avec les lances, les épieux et les haches, que les valets leur fournissoient, si, pour me mettre à couvert de cet orage, je ne me fusse sauvé dans une des chambres où l’on avoit logé mes maîtres. Alors ceux qui me poursuivoient ayant fermé la porte sur moi, me tinrent assiégé là-dedans, en attendant que le poison de cette rage prétendue m’eût fait mourir, sans qu’ils s’exposassent au danger de m’attaquer. Me trouvant donc seul en liberté, je profitai de l’occasion que la fortune m’offroit ; je me couchai sur un lit, comme un homme, et je m’endormis, cette manière de reposer m’ayant été interdite depuis long-temps.

M’étant bien remis de ma lassitude sur ce bon lit, je me levai gai et dispos. Il étoit déjà grand jour, et j’entendois ceux qui avoient passé la nuit à me garder, qui disoient entre eux ; mais pouvons-nous croire que ce malheureux âne soit continuellement