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fougueux et emporté, afin que je ne revinsse pas une autre fois avec une pareille insolence renverser son festin. M’étant donc sauvé par cette adresse des mains de ce maudit cuisinier, j’étois fort aise de me voir dans une prison qui me servoit d’azile.

Mais certainement les hommes ont beau faire pour être heureux ; quand il ne plaît pas à la fortune, ils ne sauroient le devenir, et toute l’adresse et la prudence humaine ne peut s’opposer à l’ordre de la providence (1), ni même y rien changer. Ce que je venois d’imaginer pour me mettre en sûreté, du moins pendant quelque temps, fut ce qui me jetta dans un autre péril terrible, qui pensa me coûter la vie dans le moment ; car un des valets, comme je l’appris depuis à quelques discours que les domestiques tenoient entre eux, accourt tout troublé dans la salle du banquet ; et avec un visage effrayé, il rapporte à son maître, qu’un chien enragé étoit entré tout d’un coup dans la maison, par une porte de derrière, qui répondoit dans une petite rue ; qu’il s’étoit d’abord jetté en fureur sur les chiens de chasse ; qu’ensuite il avoit passé dans les écuries, où il avoit fait le même ravage sur les chevaux, et qu’enfin il n’avoit pas même épargné les hommes ; qu’il avoit mordu en plusieurs endroits le muletier Mirtil (2), Hephestion le cuisinier (3), Hypathius le valet de chambre, Apollonius le médecin (4), et plusieurs autres domestiques,