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donc fort vîte, en nous faisant doubler le pas à coups de bâton. Après avoir marché long-temps et d’une grande diligence, nous arrivâmes dans un bourg, où nous passâmes la nuit à nous reposer, et où j’appris une avanture bien extraordinaire, qu’il faut que je vous conte.

Il y avoit un esclave à qui son maître avoit donné la conduite de toutes ses affaires, et qui faisoit valoir une grande métairie, où nous étions logés. Il avoit épousé une des esclaves qui servoient avec lui ; cependant il étoit devenu passionnément amoureux d’une femme de condition libre, qui n’étoit pas de la maison. Sa femme au désespoir de ce commerce, brûla tous les papiers et les registres de son mari, et même tout ce qui étoit serré dans son magasin. Non contente de s’être ainsi vengée du mépris qu’il avoit fait d’elle, s’armant contre elle-même et contre son propre sang, elle attache une corde autour d’elle, à laquelle elle lie un enfant qu’elle avoit eu de son mariage, et se précipite avec lui dans un puits très-profond. Le maître extrêmement fâché de leur mort, prit l’esclave qui, par ses débauches, avoit été la cause d’une action si terrible, et l’ayant fait dépouiller tout nud, et frotter avec du miel, depuis les pieds jusqu’à la tête, il l’attacha avec de bonnes cordes à un figuier, dont le tronc pourri étoit plein d’une quantité prodigieuse de fourmis, qu’on voyoit aller et venir continuellement.