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jeune et plus fort que les autres, et le seul qui n’avoit point été blessé dans la malheureuse avanture qui venoit de leur arriver, se lève délibérément, et s’étant informé du lieu où l’enfant étoit tombé, il accompagna gaiement le vieillard qui lui montroit du doigt d’horribles buissons d’épines, qui n’étoient pas fort loin. Cependant, après qu’on nous eut fait repaître, et que nos bergers eurent achevé de manger et panser leurs blessures, chacun d’eux plia bagage, et se remit en chemin après avoir appellé par son nom, plusieurs fois, celui qui étoit allé avec ce vieillard. Enfin, inquiets de ce qu’il tardoit si long-temps, ils l’envoyèrent chercher par un autre, pour l’avertir qu’il étoit temps de partir, et le remener avec lui. Ce dernier revint au bout de fort peu de temps, et tout tremblant et pâle comme la mort, il leur conta des choses étonnantes touchant leur camarade. Il leur dit qu’il l’avoit vu renversé sur le dos, à moitié mangé, proche d’un dragon d’une grandeur prodigieuse, qui achevoit de le dévorer, et que, pour le malheureux vieillard, il ne paroissoit en aucun endroit.

Nos gens se hâtèrent de quitter ces lieux dangereux, cette nouvelle ayant du rapport avec le discours que leur avoit tenu le berger, qu’ils avoient vu sur le haut de la colline qui, sans doute, leur avoit voulu faire entendre, qu’il n’y avoit que ce dragon qui habitât le canton où ils étoient. Ils s’en éloignèrent