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en songe, et l’artifice dont elle s’étoit servie pour venir à bout de Thrasile, elle se plonge son épée dans le sein, et tombe baignée dans son sang, et après s’être agitée quelques instans, en proférant des mots interrompus, et qu’on ne pouvoit entendre, elle rend son ame généreuse. Aussi-tôt les amis de l’infortunée Carite ont pris son corps, et après l’avoir lavé avec beaucoup de soin (6), ils l’ont enfermé dans le même tombeau avec Tlépolême, et l’ont réunie pour jamais à son cher époux.

Thrasile ayant appris tout ce qui venoit de se passer, n’a pas cru qu’il se pût donner une mort digne des malheurs qu’il avoit causés, et sachant qu’une épée ne suffisoit pas pour expier des crimes aussi grands que les siens, il s’est fait conduire au tombeau des deux époux, où après avoir répété plusieurs fois : Ombres que j’ai persécutées, voici votre victime qui vient d’elle-même s’offrir à vous ; il a fermé soigneusement la porte du sépulcre sur lui, résolu de se laisser mourir de faim (7), suivant l’arrêt qu’il en avoit déjà prononcé contre lui-même.

Voilà ce que ce domestique de Carite racontoit avec beaucoup de larmes et de soupirs à ces pâtres qui en étoient extrêmement touchés. Alors ces valets craignant la domination d’un nouveau maître, et déplorant les malheurs de celui qu’ils venoient de perdre, et de toute sa maison, résolurent de s’enfuir. Le maître des haras, ce même homme qu’on