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touchoit avec un plaisir qui nourrissoit encore son détestable amour.

Les funérailles achevées, cette jeune femme ne songe qu’à aller au plutôt rejoindre son mari, elle en recherche avec soin les moyens, et entre autres elle en choisit un, doux, tranquille, où l’on n’avoit besoin d’aucunes armes, et qui ressemble à un paisible sommeil. Pour cet effet, elle se renferme dans un lieu ténébreux, avec une forte résolution de se laisser mourir, en se négligeant absolument, et s’abstenant de toute nourriture. Mais Thrasile fait tant d’instances auprès d’elle, et lui en fait faire de si pressantes, tant par tous les amis qu’elle avoit, et par ses domestiques, que par toute sa famille, qu’il obtient enfin qu’elle prenne quelque soin de sa personne négligée, pâle et défigurée, en se mettant dans le bain, et en prenant un peu de nourriture.

Carite, qui d’ailleurs avoit une grande vénération pour ses parens, faisoit, malgré elle, avec un visage un peu plus serein, ce qui étoit nécessaire pour conserver sa vie, vaincue par le respectueux devoir qui la forçoit de leur obéir. Cependant languissante et pénétrée jusqu’au fond du cœur d’une affliction et d’une tristesse profonde, elle passoit les jours et les nuits dans les regrets et dans les pleurs, et rendant des honneurs divins à l’image de son époux, qu’elle avoit fait faire sous la figure du dieu