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Premièrement, je peignerai bien le crin de ton encollure, et je l’ornerai de mes joyaux. Je séparerai le poil que tu as sur la tête et le friserai ; je démêlerai aussi ta queue qui est affreuse à force d’être négligée ; j’enrichirai tout ton harnois de bijoux d’or, qui brilleront sur toi comme des étoiles, et quand tu paroîtras ainsi pompeux dans les rues, le peuple te suivra avec empressement et avec joie. Je te porterai tous les jours à manger dans mon tablier de soie, tout ce que je pourrai imaginer de plus délicat et de plus friand pour toi, comme à l’auteur de ma liberté ; et même avec la bonne chère que tu feras, avec le repos et la vie heureuse dont tu jouiras, tu ne laisseras pas d’avoir beaucoup de gloire ; car je laisserai un monument éternel de cet événement et de la bonté des Dieux ; je ferai faire un tableau qui représentera cette fuite, que j’attacherai dans la grande salle de ma maison. On le viendra voir, on en contera l’histoire en tous lieux, et la postérité la verra écrite par les fameux auteurs, sous ce titre : L’illustre fille se sauvant de captivité sur un âne. Cette avanture sera au nombre des merveilles de l’antiquité ; et comme on saura qu’elle est véritable, on ne doutera plus que Phryxus n’ait traversé la mer sur un bélier, qu’Arion ne se soit sauvé sur le dos d’un Dauphin, et qu’Europe n’ait été enlevée par un taureau. Que s’il est vrai que Jupiter ait paru sous la forme d’un taureau, il n’est pas impossible