Page:Apulée - Les Métamorphoses, Bastien, 1787, I.djvu/516

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jamais ; ainsi écoutez mes avis. Assez proche de la fameuse ville de Lacédémone (21), qui n’est pas loin d’ici, cherchez dans des lieux détournés et à l’écart, vous y trouverez le Ténare (22) ; c’est un soupirail des enfers, et une de ses portes, où vous verrez un chemin impratiqué, qui vous conduira droit au palais de Pluton ; mais gardez-vous bien d’aller les mains vuides dans ces lieux ténébreux, il faut que vous ayez dans chaque main un gâteau de farine d’orge pétri avec du miel, et deux pièces de monnoie dans votre bouche.

Quand vous serez environ à moitié chemin, vous trouverez un âne boiteux (23), chargé de bois, conduit par un ânier qui sera boiteux aussi ; il vous priera de lui ramasser quelques petits bâtons, qui seront tombés de la charge de son âne, passez sans lui répondre un seul mot. Vous arriverez ensuite au fleuve des morts (24) où vous verrez Caron (25) qui attend qu’on le paie (26), pour embarquer les passagers dans son méchant petit bateau, et les rendre à l’autre rive. Faut-il donc que l’avarice règne aussi parmi les morts ? que Caron lui-même, quelque grand Dieu qu’il soit, ne fasse rien pour rien (27), et que, si un pauvre mourant n’a pas de quoi payer son passage, il ne lui soit pas permis de mourir ; donnez donc à cet avare nautonnier une des pièces de monnoie que vous aurez apportées, de manière cependant qu’il la prenne