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et d’esprit qu’elle étoit, poussée par son mauvais destin, qui lui donnoit de nouvelles forces, sort du lit, prend la lampe et le rasoir, et se sent animée d’une hardiesse au-dessus de son sexe. Mais si-tôt qu’elle eut approché la lumière, elle apperçoit le plus doux et le plus apprivoisé de tous les monstres ; elle voit Cupidon, ce Dieu charmant, qui reposoit d’une manière aimable. Ce rasoir odieux qu’elle tient dans sa main, semble se vouloir émousser, et la lumière de la lampe en devient plus vive.

Psiché surprise d’une vue, à laquelle elle s’attendoit si peu, toute hors d’elle-même, pâle, tremblante, et n’ayant pas la force de se soutenir, se laisse aller sur ses genoux et veut cacher, mais dans son propre sein, le fer qu’elle tenoit, ce qu’elle auroit fait sans doute, si, pour se dérober à un si grand crime, il ne lui fût tombé des mains. Toute foible et toute abattue qu’elle étoit, la vue de cette beauté divine ranime son corps et son esprit. Elle voit une tête blonde toute parfumée, une peau blanche et délicate, des joues du plus bel incarnat du monde, de longs cheveux frisés, dont les boucles qui sembloient briller plus que la lumière de la lampe, tomboient négligemment sur les épaules et sur le sein de ce charmant époux. Il avoit des aîles de couleur de roses, dont les plumes les plus petites et les plus légères sembloient se jouer au mouvement de l’air qui les agitoit ; tout le reste de son corps