sommes les aînées, soyons livrées comme des esclaves (4) à des maris étrangers, et que nous passions notre vie exilées loin de notre patrie et de nos parens, pendant que Psiché qui n’est que notre cadette, et qui a bien moins de mérite que nous, a le bonheur d’avoir un Dieu pour époux, et jouit d’une fortune si éclatante, qu’elle ne sait pas même en connoître le prix ? Avez-vous bien remarqué, ma sœur, quelle profusion de choses précieuses l’on voit dans son palais ? quels meubles, quelle quantité d’habits magnifiques, quels prodigieux amas de pierreries, et combien d’or l’on y foule aux pieds ? Si son mari est aussi beau qu’elle nous l’assure, il n’y a personne dans tout le monde si heureuse qu’elle ; peut-être même que l’amour qu’il a pour elle venant à s’augmenter par l’habitude, ce Dieu en fera une Déesse, et je n’en doute point ; n’en a-t-elle pas déjà les airs et les manières ; elle n’aspire pas à une moindre gloire ; et une femme qui a des voix à son service, et qui commande aux vents, n’est pas fort éloignée d’un rang si glorieux. Et moi, malheureuse, j’ai un mari plus vieux que mon père, qui n’a pas un cheveu (5), plus foible qu’un enfant, et si défiant qu’il tient tout enfermé sous la clef dans la maison !
Le mien, reprit l’autre, est tout courbé et accablé de goutte, et par conséquent très-peu propre au combat amoureux, jugez quelle satisfaction je