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mauvaise foi d’un impudent calomniateur soit capable

    et que, qui que ce soit en feroit crédit sur cette impérissable possession : l’autre qu’Apulée n’avoit pas considéré, selon toutes leurs espèces, les désavantages des veuves, il n’a rien dit des veuves qui n’ont pas eu d’enfans : aussi ne se trouvoit-il point dans le cas. Un chanoine de Paris, qui fut embrasser à Genève, la religion protestante, l’an 1672, eut bientôt démêlé parmi les femmes qu’il vit au temple une jeune veuve, riche et bien faite. Il trouva bientôt l’occasion de lui parler, et plus il la vit, plus il connut qu’elle seroit bien son fait ; mais, comme il n’avoit apporté de France que l’embonpoint des personnes de sa profession, et quelques lumières sur les abus du papisme, on le rebuta un peu fièrement. Il me fit confidence de ce rebut, et se plaignit moins du fond même de l’affaire, que des manières (il n’en parloit jamais sans dire, est modus in rebus.). Je lui représentai ingénument qu’il avoit eu tort de se commettre, vu l’état présent de sa fortune, et la grande volée de la dame. Il m’avoua qu’elle étoit trop riche pour un homme comme lui ; « mais il faut rabattre beaucoup de ses richesses, poursuivit-il, à cause qu’elle n’a point eu d’enfans : cela seul y fait une brêche de trente ou quarante mille livres. Sans la présomption qu’elle est stérile, je l’estimerois d’autant un meilleur parti que je ne fais, vu sur-tout que mon frère unique n’a point d’héritiers, et que ma famille court risque de périr, si je ne laisse postérité ». Je ne voulus point entrer en dispute avec un homme qui avoit examiné si précisément cette matière : je lui en laissai toutes les compensations et les évaluations. Je me contentai de croire que l’envie de ne point laisser périr sa race avoit été pour lui une vive source de lumières.