Page:Apulée - Les Métamorphoses, Bastien, 1787, I.djvu/384

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce culte et ces honneurs divins, qu’on rendoit à la nouvelle Vénus, piquèrent sensiblement la mère des amours. Quoi, dit-elle toute indignée et frémissant de colère, Vénus à qui la nature et les élémens doivent leur origine, qui maintient tout ce vaste univers, partagera les honneurs qui lui sont dûs, avec une simple mortelle, et mon nom qui est consacré dans le ciel, sera profané sur la terre ? Une fille sujète à la mort recevra les mêmes respects que moi, et les hommes seront incertains si c’est elle ou Vénus qu’ils doivent adorer. C’est donc en vain que ce sage berger, dont Jupiter même a reconnu l’équité, m’a préférée à deux Déesses qui me disputoient le prix de la beauté (52) ? Mais, quelle que soit cette mortelle, elle n’aura pas long-temps le plaisir de jouir des honneurs qui me sont dûs. Je ferai bientôt en sorte qu’elle aura tout lieu de s’affliger d’avoir cette beauté criminelle.

Dans le moment Vénus appelle son fils, cet enfant ailé, plein d’audace et de mauvaises inclinations, qui, sans aucun égard pour les loix, armé, de flêches et de feux, court toutes les nuits de maison en maison pour séduire les femmes mariées, et mettre de la division dans les ménages ; en un mot, qui ne cherche qu’à mal faire, et qui commet impunément mille crimes tous les jours. Et quoiqu’il soit porté assez naturellement à la méchanceté, Vénus n’oublia rien pour l’aigrir encore davantage.