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sous la figure d’une mortelle ; ou du moins que la terre, après la mer, avoit produit par une nouvelle influence des astres, une autre Vénus qui avoit l’avantage d’être fille. Cette opinion se fortifioit chaque jour, et se répandit dans les provinces et dans les îles voisines, et de-là presque dans tout l’univers. On voyoit arriver de toutes parts des hommes qui avoient traversé des pays immenses, et d’autres qui s’étoient exposés aux dangers d’une longue navigation, pour voir ce qui faisoit la gloire et l’ornement de leur siècle. Personne n’alloit plus à Gnide, ni à Paphos ; personne même ne s’embarquoit plus pour aller à Cythère (50) rendre des honneurs à Vénus ; ses sacrifices sont négligés, ses temples dépérissent, on en profane les ornemens (51), on n’y fait plus les cérémonies accoutumées ; les statues de la Déesse ne sont plus couronnées de fleurs, et ses autels couverts de cendres froides restent abandonnés. L’on n’adresse plus ses prières qu’à la jeune princesse, et l’on n’honore plus Vénus que sous la forme de cette jeune mortelle. Quand elle paroît le matin, on immole devant elle des victimes, et on prépare des festins sacrés ; l’on croit se rendre ainsi la Déesse favorable. Et lorsque la princesse passe dans les rues, les peuples courent en foule après elle pour lui rendre leurs hommages, chacun lui présente des guirlandes et des couronnes de fleurs, et l’on en sème par-tout où elle doit passer.