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répondit : Es-tu le seul qui ne sache pas que les grandes maisons sont les plus aisées à piller ? Car, quoiqu’elles soient pleines d’un grand nombre de domestiques, chacun d’eux cependant songe plutôt à conserver sa vie (16), que le bien de son maître. Mais les gens qui vivent seuls et retirés chez eux, soit par la médiocrité de leur fortune, ou pour ne pas paroître aussi à leur aise qu’ils le sont, défendent ce qu’ils ont avec beaucoup plus d’ardeur, et le conservent au péril de leur vie. Le récit de ce qui nous est arrivé, vous prouvera ce que je vous dis.

À peine fûmes-nous à Thèbes (17), que nous étant soigneusement informés des biens des uns et des autres (car c’est le premier soin des gens de notre profession) nous découvrîmes un certain banquier nommé Chryseros (18) qui avoit beaucoup d’argent comptant, mais qui cachoit son opulence avec tout le soin et l’application possible, dans la crainte d’être nommé aux emplois, ou de contribuer aux charges publiques. Pour cet effet, il ne voyoit personne, et vivoit seul dans une petite maison, assez bien meublée à la vérité ; mais d’ailleurs il étoit vêtu comme un misérable, au milieu de sacs pleins d’or et d’argent qu’il ne perdoit pas de vue.

Nous convînmes donc entre nous de commencer par lui, parce que n’ayant affaire qu’à un homme seul, nous croyions ne rencontrer aucun obstacle à nous rendre maîtres de toutes ses richesses. Nous ne