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le cheval et moi. Ils le traînèrent hors du chemin, et le précipitèrent du haut de la montagne, quoiqu’il respirât encore.

Alors faisant réflexion à l’aventure de mon pauvre camarade, je pris résolution de n’user plus d’aucun artifice, et de servir mes maîtres fidèlement et en âne de bien, d’autant plus que j’avois compris à leurs discours que nous n’avions pas encore beaucoup de chemin à faire pour gagner le lieu de leur retraite, où devoit finir notre voyage et nos fatigues. Enfin, après avoir encore monté une petite colline, nous arrivâmes à l’habitation des voleurs ; ils commencèrent par nous décharger, et serrèrent tout ce que nous apportions. Ainsi, délivré du fardeau que j’avois sur le corps, au lieu de bain pour me délasser, je me roulois dans la poussière.

Il est à propos présentement que je vous fasse la description de cet endroit et de la caverne où se retiroient ces voleurs ; car j’éprouverai par-là les forces de mon esprit, et vous ferai connoître en même temps si j’étois âne par les sens et l’entendement, comme je l’étois par la figure. C’étoit une montagne affreuse, et des plus hautes, toute couverte d’arbres épais, entourée de rochers escarpés et inaccessibles, qui formoient des précipices effroyables, garnis de ronces et d’épines, ce qui aidoit à en défendre les approches. Du haut de la montagne, sortoit une grosse fontaine qui, précipitant ses eaux