paysans, touchés de ses larmes, appelèrent leurs chiens (5) et les lâchèrent après moi, pour me mettre en pièces. Je me voyois à deux doigts d’une mort inévitable, par le grand nombre de ces mâtins, qui venoient à moi de tous côtés : ils étoient si grands et si furieux, qu’ils auroient pu combattre des ours et des lions (6). Je crus que le meilleur parti que j’eusse à prendre, étoit de ne plus fuir, et de revenir au plus vîte, comme je fis, à la maison où nous étions entrés d’abord. Mais les paysans, après avoir arrêté leurs chiens avec assez de peine, me prirent et m’attachèrent avec une bonne courroie à un anneau qui étoit dans le mur, et me maltraitèrent pour la seconde fois si cruellement, qu’ils auroient sans doute achevé de m’ôter la vie, si la douleur des coups qu’on me donnoit, et des plaies dont j’étois tout couvert, jointe à la quantité d’herbes crûes que j’avois mangées, n’avoient produit un effet qui les écarta tous, par la mauvaise odeur dont je les infectai (7).
Un moment après, le soleil commençant à baisser, les voleurs nous rechargèrent tous trois, moi particulièrement plus que je ne l’avois encore été, et nous firent partir. Après que nous eûmes marché assez long-temps, fatigué de la longueur du chemin, accablé de la charge que j’avois sur le corps, affoibli par les coups que j’avois reçus, ayant la corne des pieds toute usée, boitant et ne pouvant