maison, où je mangeai et me remplis tant que je pus de toutes sortes d’herbes potagères, bien qu’elles fussent crues ; et priant tous les Dieux, je regardois de côté et d’autre, si je ne verrois point par hasard quelque rosier fleuri dans les jardins d’alentour. Car étant seul et à l’écart, j’avois lieu d’espérer de me tirer d’affaire, si, par le moyen des roses, je pouvois de bête à quatre pieds que j’étois, reprendre ma forme d’homme, sans être vu de personne.
L’esprit occupé de cette idée, je découvre un peu plus loin une vallée couverte d’un bocage épais ; entre plusieurs sortes d’arbres agréables, et dont la verdure me réjouissoit, j’y voyois éclater la vive couleur des roses (1). Il me vint alors une pensée qui n’étoit pas tout-à-fait d’une bête : je crus que ce bois délicieux par la quantité de roses (2) qui brilloient sous ces ombrages, devoit être le séjour de Vénus et des Graces. Alors faisant des vœux au Dieu qui préside aux évènemens, pour me le rendre favorable (3), je galopai vers cet endroit avec tant de légèreté, qu’il me sembloit en vérité que j’étois moins un âne, qu’un brave coursier digne de paroître aux jeux olympiques.
Mais cet agile et vigoureux effort ne put devancer ma mauvaise fortune ; car, étant près de ce lieu-là, je n’y vis point ces charmantes et délicates roses, pleines de gouttes de rosée, et de nectar que produisent ces buissons heureux au milieu des épines.