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donnent l’assaut à notre porte. Vous arrivâtes dans ce temps-là, avec un peu trop de vin dans la tête, et l’obscurité de la nuit aidant à vous tromper, vous mîtes bravement l’épée à la main, comme fit jadis Ajax en fureur, non pour vous acharner comme lui à tailler en pièces des troupeaux entiers de bêtes vivantes (25), mais avec un courage fort au-dessus du sien, puisque vous ôtâtes la vie à trois outres de chèvres enflés de vent ; afin qu’après avoir terrassé vos ennemis, sans que leur sang eût taché vos habits, je pusse vous embrasser, non comme un homicide, mais, comme un outricide.

Fotis m’ayant ainsi plaisanté, je continuai sur le même ton : Je puis donc avec raison, lui dis-je, égaler ce premier exploit à un des douze travaux d’Hercule, et comparer les trois outres que j’ai tués aux trois corps de Gerion, ou aux trois têtes de Cerbères, dont il est venu à bout. Mais, afin que je te pardonne de bon cœur la faute que tu as faite, qui m’a attiré de si grands chagrins, accorde-moi une chose que je te demande avec la dernière instance : fais-moi voir ta maîtresse, quand elle travaille à quelque opération de cette science divine, quand elle fait ses invocations. Que je la voie au moins, quand elle a pris une autre forme, car j’ai une curiosité extraordinaire de connoître par moi-même quelque chose de la magie, où je crois aussi que tu n’es pas ignorante. Je n’en dois pas douter, et je