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mort, je commence à frotter mes yeux, et me préparant à bien veiller, je me mets à chanter pour me désennuyer. Bientôt le jour vint à baisser, et la nuit commença à paroître. Quand il fut nuit tout-à-fait, et qu’enfin le temps fut venu où tout le monde est enseveli dans un profond sommeil, la peur commença à me saisir. Alors je vois entrer une bêlette (50) qui s’arrête vis-à-vis de moi, et qui avec ses yeux vifs et perçans, attache ses regards si fixement sur moi, que la hardiesse d’un si petit animal ne laissa pas de me troubler un peu l’esprit : enfin je lui dis : Que ne t’en vas-tu, vilaine bête ; que ne vas-tu te cacher avec les rats tes semblables, avant que je te fasse sentir mes coups ? que ne t’en vas-tu donc ? Aussi-tôt elle tourne le dos, et sort fort vîte de la chambre.

A l’instant même un sommeil profond s’empare si absolument de tous mes sens, que le Dieu de Delphes lui-même auroit eu peine à discerner entre le cadavre et moi, lequel étoit le plus mort de nous deux ; ainsi presque sans vie, j’étois-là comme n’y étant point, et j’avois besoin moi-même d’un gardien.

Déjà, de tous côtés, les coqs (51) annonçoient par leur chant la venue du jour, quand je me réveillai en sursaut, tout saisi de frayeur. Je cours à mon corps mort avec de la lumière ; et lui découvrant le visage, je regarde soigneusement par-tout, si je n’y trouvai rien de manque.