Page:Apulée - Les Métamorphoses, Bastien, 1787, I.djvu/192

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et je ne crois pas avoir vécu en aucun lieu avec plus de liberté qu’en cette ville ; mais je tremble quand je songe qu’on y est exposé aux funestes et inévitables effets de la magie ; car on dit même que les morts n’y sont pas en sûreté dans leurs tombeaux, et que de vieilles sorcières, jusques sur les bûchers, arrachent les ongles des corps qu’on y brûle (43), et en recherchent les restes pour nuire et faire du mal aux vivans, et que, pendant qu’on prépare les funérailles d’un mort, elles se rendent au bûcher les premières, elles dérobent le corps très-adroitement !

Sur cela, un de la compagnie ajouta : Je vous assure qu’en ce pays-ci les vivans n’y sont pas plus en sûreté que les morts, et certaine personne qui n’est pas loin d’ici, a eu, il n’y a pas long-temps, le visage absolument défiguré par la malice de ces maudites enchanteresses. A ces mots, la compagnie éclata de rire de toute sa force, et chacun jetta les yeux sur un homme qui étoit à part dans un coin de la salle. Cet homme, honteux de se voir si obstinément envisagé, voulut se lever et sortir en murmurant entre ses dents. Mais Birrhene lui dit : Mon ami Telephron, restez, je vous prie, et suivant votre complaisance ordinaire, contez-nous encore une fois l’histoire de votre avanture, afin que mon fils Lucius ait le plaisir de l’entendre de votre bouche. Pour vous, dit-il, Madame, vous êtes toujours la bonté et l’honnêteté même ; mais il y a des gens