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même-temps j’embrassois Socrates de tout mon cœur ; mais lui, frappé de la mauvaise odeur dont ces Sorcières (47) m’avoient infecté, me repousse rudement : Retire-toi plus loin, me dit-il, tu m’empoisonnes ; et dans le moment, il me demanda en riant, qui m’avoit ainsi parfumé ; mais je tournai la conversation sur autre chose, par quelques mauvaises plaisanteries que je trouvai sur le champ, et lui tendant la main : Que ne partons-nous, lui dis-je, et que ne profitons-nous de la fraîcheur du matin pour gagner pays ? Je prens mon paquet, je paye l’hôte, et nous nous mettons en chemin.

Nous n’avions pas beaucoup marché, que le soleil (48) commença à paroître et à répandre ses premiers rayons. Je regardois avec une curieuse attention la gorge de mon camarade, à l’endroit où je lui avois vu enfoncer le poignard, et je disois en moi-même : Extravagant que tu es, le vin (49) dont tu avois trop bu, t’a fait rêver d’étranges choses (50) ! Voilà Socrates entier, sain et sauf. Où est cette plaie ? où est cette éponge ? et enfin, où est cette cicatrice si profonde et si récente ? Et m’adressant à lui : Ce n’est pas sans raison, lui dis-je, que les habiles médecins tiennent que l’excès de boire et de manger cause des songes terribles et épouvantables ; car, pour avoir un peu trop bu hier au soir, j’ai rêvé cette nuit des choses si cruelles et si effroyables,