Page:Apulée - Les Métamorphoses, Bastien, 1787, I.djvu/104

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au dernier supplice, que sera-ce de moi, disois-je, quand on trouvera demain matin cet homme égorgé ? Qui pensera que je dirai des choses seulement vraisemblables, lorsque je dirai la vérité ? Ne devois-tu pas au moins appeler du secours, me dira-t-on, si tu n’étois pas capable, fort comme tu es, de résister à une femme (44). On égorge un homme à tes yeux, et tu ne dis mot ! Mais, pourquoi n’as-tu pas eu le même sort que lui ? Pourquoi la cruauté de cette femme a-t-elle ménagé la vie d’un homme qui, témoin de son crime, pouvoit en révéler l’auteur ? Ainsi, puisque tu as échappé à la mort dans cette occasion, meurs maintenant.

Voilà ce que je songeois en moi-même, pendant que la nuit se passoit ; c’est pourquoi je jugeai n’avoir rien de mieux à faire que de me dérober de ce lieu, avant la pointe du jour, et de m’éloigner du mieux que la peur me le permettroit. Je prends mon petit paquet, et j’ôte les verroux ; je mets la clef dans la serrure, je la tourne et retourne, et ne puis enfin qu’avec beaucoup de peine ouvrir cette bonne et sûre porte qui s’étoit ouverte d’elle-même la nuit dernière. Holà, dis-je, où es-tu ? ouvre-moi la porte de l’hôtellerie, je veux partir avant le jour. Le portier qui étoit couché par terre auprès de la porte, me répond à moitié endormi : Eh quoi ! ne sais-tu pas que les chemins sont remplis de voleurs, toi qui veux partir pendant la nuit ? Si tu te sens coupable