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jeunesse ; voici celui qui, méprisant mon amour, non-seulement me diffame par ses discours, mais médite encore sa fuite ; et moi, malheureuse, abandonnée, comme Calipso, par la fourberie de cet Ulisse (40), je passerai le reste de ma vie dans les pleurs.

Me montrant ensuite à sa sœur avec sa main : Pour Aristomènes, dit-elle, ce bon conseiller, qui l’engage à cette fuite, qui est présentement à deux doigts de la mort, étendu par terre sous son lit, d’où il regarde tout ceci, croit-il qu’il m’aura offensée impunément ? Je ferai en sorte tantôt, que dis-je, dans un moment, et même tout-à-l’heure, qu’il se repentira des propos qu’il a tenus de moi, et de sa curiosité présente.

Je ne l’eus pas plutôt entendue parler ainsi, qu’il me prit une sueur froide, avec un tremblement si violent, que le lit qui étoit sur mon dos, en étoit tout agité. Que ne commençons-nous donc, ma sœur, dit la bonne Panthie, par mettre celui-ci en pièces à la manière des Bacchantes (41), ou après l’avoir lié comme il faut, que ne le châtrons-nous ? Sur cela, Meroé prit la parole, car je voyois bien par les effets que c’étoit celle-là-même, dont Socrates m’avoit tant parlé. Non, dit-elle, laissons au moins vivre celui-ci, afin qu’il couvre d’un peu de terre le corps de ce misérable (42) ; ensuite ayant panché la tête de Socrates, elle lui plonge son poignard dans