Page:Apoukhtine - La Vie ambiguë.djvu/78

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pas Sophie Sapounopoulo ! Bien qu’elle soit laide et jaune, si c’était encore une créature sympathique et surtout tranquille, je pourrais à la rigueur me mettre d’accord avec la nécessité ; mais elle n’est en paix pas une seconde : ce n’est pas une femme, c’est une fièvre jaune qui marche. Voici, par exemple, notre emploi du temps dès trois derniers jours.

Mercredi, à la campagne, il y a eu une représentation à laquelle est venu tout le grand monde d’Odessa (Odessa aussi a son « grand monde », c’est indispensable). Entre autres choses on a joué un proverbe de la propre composition de la fille : « Ce que femme veut, le mari le voudra. » Il va sans dire que j’ai joué le rôle du mari et que j’ai été obligé d’embrasser sa main dix fois ! Ce galimatias assommant a eu un énorme succès. Avant-hier, ordre a été donné de ne recevoir personne, et toute la soirée a été consacrée à la lecture d’Eschyle dans l’original.

Comprends-tu toute l’horreur de ces trois mots : « Eschyle dans l’original » ? Pendant cinq heures, elle a lu avec emphase une tragédie écrite en une langue inconnue de moi, traduisant chaque phrase en français. Et j’étais obligé de faire acte de foi, bien que je sois convaincu qu’elle ne comprend pas plus