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précepteur et a trouvé un message en vers dans lequel Vassili Stepanitch me faisait une déclaration d’amour. Je crois qu’il ne se serait jamais décidé à me donner ces vers : et il les aura écrits pour son propre plaisir ; mais il a eu la sottise de placer mes initiales en tête. Naturellement, Hippolyte Nicolaievitch a eu tout de suite un soupçon, a chassé le précepteur en lui ordonnant de quitter la maison d’ici une heure ; après, il est venu me faire une scène. J’étais encore au lit, et, dans le sommeil, je fus effrayée en pensant qu’il avait découvert quelque chose de Kostia ; mais, quand il commença à lire les vers criminels, je ne pus m’empêcher de rire. Quels sont ces vers, tu peux en juger par la dernière strophe :

Rejette ce velours, ces blondes.
Entends, entends mon amour ;
Et devant la puissance de la nature,
Incline la tête.

Comme je n’ai pas supplié Hippolyte Nicolaievitch de faire la paix avec le précepteur, il est resté inflexible en disant que la poésie a une dangereuse influence sur le cœur faible de la femme. Je crois que dans le monde entier il n’y a pas encore d’exemple d’une femme qui ait trompé son mari pour des vers,