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n’a pas fait chaud encore cette année. La paresse me gagnait, je n’arrivais ni à lire, ni à penser ; je suis descendu au jardin et m’y suis installé à l’ombre d’un large érable. Le ciel était sans nuage, autour de moi régnait un calme absolu ; tout ce qui pouvait se garer de la chaleur dormait, les hommes comme les animaux et les arbres. Seules, quelques hirondelles silencieusement traversaient l’air, quelques mouches tournoyaient sans bruit au-dessus de ma tête, et de loin en loin arrivaient jusqu’à moi le clapotis de l’eau et les cris des gamins qui se baignaient dans la rivière. Puis tout se taisait. Gagné par l’exemple, j’allais m’endormir quand je fus éveillé par l’arrivée d’un nouveau personnage. À quelques pas de moi se tenait un grand coq qui me regardait attentivement ; il poussa deux fois très haut un cri impérieux, parut mécontent de quelque chose et rebroussa chemin en foulant délicatement l’herbe comme un élégant de la ville qui vient par hasard à la campagne et craint de salir ses bottines vernies. On dirait que ce coq m’a été envoyé pour chasser un sommeil malencontreux et me rappeler au plaisir, c’est-à-dire à la vie. Mon Dieu ! pensai-je plein d’enthousiasme, comment ne pas te