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Mon éloquence fut vaine. Maria Pétrovna ne m’écoutait pas : elle était évidemment plongée dans ses souvenirs matrimoniaux.

— Imaginez-vous, interrompit-elle, qu’Ossip Vassiliévitch venait parfois chez moi enveloppé dans une vieille robe de chambre de fourrure et en fumant sa pipe. Dieu ! rien que d’y penser j’ai des nausées ; et après, quand il partait, cette fourrure restait sur mon divan ; et une fois, devant moi, il a ôté son râtelier et l’a frotté avec je ne sais quelle poudre. C’est affreux ! affreux !

— Mais avec moi la même chose n’est pas à craindre, je n’enlèverai pas de râtelier devant vous, parce que toutes mes dents sont très bien conservées ; je ne fume jamais la pipe, et je puis vous jurer, si vous le voulez, que vous ne me verrez jamais en robe de chambre, du moins de fourrure.

— Et puis, il était jaloux, horriblement jaloux, bien que sans motif. Parfois il disait qu’il sortait et tout à coup il rentrait, s’imaginant qu’il allait trouver quelqu’un ; naturellement il ne trouvait personne ; mais avouez que des soupçons pareils sont blessants, d’autant plus qu’en province, où nous vivions alors, tout le monde en était instruit. Il se montrait surtout jaloux l’été, quand il devait