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l’ai remarqué. Lui-même le sait et, hier encore, il disait : « Je ne sais pourquoi Melchissédec m’en veut… »

Je bondis comme si une guêpe m’eût piqué.

— Tiens ! tiens ! il a dit ça. Ce Melchissédec… c’est moi ?

— Oui, c’est un sobriquet que la jeunesse vous a donné, je ne sais trop pourquoi.

— C’est le comble ! criai-je en parcourant la chambre, et je manquai de renverser la table à thé qui se trouvait sur mon passage. Je vous remercie, Maria Pétrovna : ce n’est pas assez d’avoir fait de votre maison un asile pour les jeunes gens les plus fous, vous leur permettez encore d’offenser vos amis, d’offenser un homme qui vous connaît depuis votre enfance… qui… qui était témoin à votre mariage…

— Mais qu’avez-vous, Paul ? calmez-vous, balbutiait Maria Pétrovna, qui courait à mes trousses et finit par tomber assise sur le divan. Je ne comprends pas du tout ce qui a pu vous offenser tant. Si Melchissédec eût été un malfaiteur, un assassin, je comprendrais encore ; mais je vous assure que c’était un homme très respectable, un saint, je crois. Je serais très flattée qu’on m’appelât Mel-