André Ivanovitch vint tout gâter. À la fin du dîner, s’adressant à moi, il me demanda avec le plus gracieux sourire :
— Vous, Pavel Matvéitch, qui connaissez tant d’hommes célèbres, dites-moi, s’il vous plait, si vous ne vous êtes jamais rencontré avec notre grand historien Karamzine ?
Je voulais répondre : « Non, je n’ai pas rencontré Karamzine ? mais j’ai tutoyé Lomonossov », mais je m’abstins : mon ironie eût été perdue.
Karamzine était mort vingt ans avant ma naissance, comment aurais-je pu me rencontrer avec lui ? C’est surprenant, comme les vieillards perdent jusqu’à la notion de la chronologie. Le soir, en jouant au whist, je fis quelques grosses fautes. Pourquoi ? probablement parce que je n’avais pas joué depuis longtemps ; ou peut-être suis-je en effet semblable à Stépan Stépanovitch, qui, depuis dix ans déjà, est si vieux qu’on ne lui compte pas ses renonces.
La maison de Maria Pétrovna est tout à fait méconnaissable. Auparavant, c’était un abri calme ; maintenant, grâce à la présence de Lydia, c’est un bazar mondain. Il y a tou-