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riche. Jamais je n’oublierai ma première rencontre avec Hélène Pavlovna.

Je venais de prendre, au régiment, un congé de trois mois et me rendais à Vassilievka pour arranger des affaires relatives à l’émancipation. En passant à Moscou, j’entrai au restaurant Troïtzky, et là, au fond de la salle, près de l’orchestre, j’aperçus Aliocha en compagnie d’une gracieuse jeune femme. Il se jeta à mon cou et me présenta sa femme.

— Vois-tu, Lili, disait-il avec une vraie joie, tu as eu sans doute le pressentiment que nous le rencontrerions ici ; ce n’est pas pour rien que tu prenais tant d’intérêt à mes récits. Imagine-toi, Pavlik, qu’hier toute la journée, elle m’a demandé de déjeuner aujourd’hui au restaurant. Je ne pouvais comprendre pourquoi cette fantaisie lui était venue.

— Je n’avais aucun pressentiment, répondit-elle en souriant, mais je n’avais jamais entendu d’orchestre comme celui-ci, et depuis longtemps déjà je m’étais promise de déjeuner au restaurant aussitôt mariée.

Le déjeuner fut très gai. Je me rappelle qu’au premier abord la beauté d’Hélène Pavlovna ne fit pas sur moi grande impression ; je fus seulement surpris de son regard