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sous les couleurs les plus sombres. Des confessions de ce genre masquent mal l’orgueil de l’auteur. « Lecteurs, voyez à quel point je suis sévère pour mon passé et inférez-en quel héros je suis devenu. »

À demain.


2 décembre.

Suis-je intelligent ou bête ? On me demanderait à l’improviste de le dire de n’importe lequel de mes amis que je serais très embarrassé de répondre sur-le-champ. Je ne parle pas des hommes de génie, ni des purs idiots ; les uns sont d’ailleurs aussi rares que les autres. Il m’est encore plus difficile de me prononcer sur mon compte. On se fait généralement de l’esprit les idées les plus différentes ; dans le monde, on dit le plus souvent d’un homme qu’il est intelligent quand il sait par cœur beaucoup de calembours français, ou qu’il critique tout le monde ; chez les savants, on tient pour intelligent celui qui a la patience ou le temps de lire la plus grande somme de choses inutiles ; pour les gens d’affaires, c’est celui qui est le plus retors. Dire de quelqu’un qu’il a de l’esprit ou que c’est une bête ne signifie absolument rien : cela dépend uniquement de l’état où l’on se trouve. J’ai