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beaucoup plus pâle. Si à votre conscience apparaît spontanément un acte absolument mauvais, cette fidèle compagne se fait aussitôt votre avocat ; elle a vite fait d’inventer toutes les excuses possibles, comme si l’aveu de votre culpabilité vous exposait à la déportation. C’est ce qui vient de m’arriver et qui m’arrive chaque fois que je me souviens d’Aliocha Okontzev… Mais ce sera pour une autre fois.

Il est encore plus difficile d’apprécier ses qualités que ses actes. Pour juger autrui, nous avons un dictionnaire entier de nuances où nous n’avons qu’à choisir. Sur trois hommes qui tiennent autant à leurs biens, du premier, qui nous est sympathique, nous dirons qu’il est économe, prudent ; du second, si nous ne l’aimons pas, qu’il est intéressé ; nous ne pourrons souffrir le troisième, c’est un ladre. La plupart des historiens se prononcent d’après leurs sympathies, ou, pour mieux dire, leurs caprices. Tout en respectant la vérité, ils peuvent traiter tel personnage de sévère ou de cruel, de bon ou de faible. Il va sans dire qu’en se jugeant soi-même pour sincère qu’on soit, on choisira les nuances les plus tendres. Cependant il en est qui ont à dessein présenté leur passé