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moire, et j’entends nettement le nom : « Zorobabel… Zorobabel. » Ce nom bien connu éveille en moi une série de scènes. Je suis dans la cour du château, parmi une grande foule : « À la chambre du roi… à la chambre du roi ! » crie la même voix perçante, impatiente. Dans tout vieux château français, il y avait la chambre du roi, c’est-à-dire la chambre qu’occupait le roi s’il lui prenait fantaisie d’habiter le château ; et jusqu’en ses moindres détails je vois cette chambre du château de La Roche-Maudin : au plafond, des amours roses avec des guirlandes dans les mains ; aux murs, des Gobelins figurant des épisodes de chasse. Je revois un dix cors qui, dans une pose désespérée, s’arrête devant un ruisseau, tandis que trois chasseurs le visent. Dans le fond de la chambre, l’alcôve est ornée d’un baldaquin d’or, d’où tombe une draperie bleue brodée de lis. De l’autre côté, un portrait en pied du roi ; poitrine chamarrée, jambes longues, un peu arquées dans de hautes bottes ; mais je ne puis distinguer le visage. Si je voyais le visage, peut-être saurais-je à quel moment j’ai vécu là, mais je ne le vois pas ; dans ma mémoire, il y a une soupape dure qui ne veut s’ouvrir. « Zorobabel… Zorobabel ! » crie la voix impérieuse. Je