Page:Apoukhtine - La Vie ambiguë.djvu/177

Cette page a été validée par deux contributeurs.

avait les cheveux défaits. Ses paupières gonflées lui permettaient à peine d’ouvrir les yeux.

— Voyons, Zoé, mon enfant, lui dit la comtesse, sois courageuse ; rappelle-toi comment, en de pareilles circonstances, j’ai supporté la douleur…

— Oui, tante, je serai courageuse, répondit ma femme, et, d’un pas assuré, elle se dirigea vers moi ; mais, sans doute, j’avais beaucoup changé pendant la nuit, car elle chancela en poussant un cri et tomba dans les bras de ses femmes.

On l’emmena.

Ma femme était sans doute très attristée de ma mort ; mais, dans toute manifestation extérieure de douleur, il y a presque toujours une certaine dose d’effet théâtral : l’homme même le plus sincèrement attristé ne peut oublier que les autres le regardent.

À deux heures, les visiteurs commencèrent à venir. Ce fut d’abord un célèbre général encore jeune, avec des moustaches grises en crocs et une poitrine constellée. Il s’approcha de moi, voulut aussi m’embrasser ; mais il réfléchit, et fit un ample signe de croix sans toucher de ses doigts son front ni sa poitrine, puis s’adressant à Savieli :