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femmes nous reprochèrent notre peu d’entrain.

Depuis, ma femme revint souvent au château de La Roche-Maudin ; quant à moi, je ne pus jamais me décider à y retourner ; je restai en relations très intimes avec le comte, et, quand je refusais ses invitations, il n’insistait pas. Le temps a effacé peu à peu l’impression que m’avait faite cet étrange épisode ; je m’étais efforcé de l’oublier. Maintenant que je suis au cercueil, j’essaye de me le rappeler dans tous ses détails et de le juger avec calme, parce que, maintenant, je sais pertinemment que j’étais déjà venu au monde avant de m’appeler prince Dmitri Troubchevsky. Que j’aie habité jadis le château de La Roche-Maudin, cela ne fait pour moi aucun doute. Mais en quelle qualité ? Étais-je le maître, l’hôte, un domestique, un paysan ! Une chose me semblait indiscutable : j’y avais été très malheureux. Comment expliquer autrement le sentiment de douleur poignante qui m’avait saisi dès l’entrée, et que j’éprouve encore maintenant à l’évocation de ces choses. Par instants, mes idées à ce sujet se précisaient un peu ; les images, les sons se coordonnaient ; mais le ronflement de Savieli et du chantre m’a dis-