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souvenirs, vagues, mais si vivants que j’écoutais à peine le maître de la maison, qui déployait toute son amabilité pour me faire parler. Comme, à une de ses questions, je venais de répondre quelque chose d’incohérent, il me regarda furtivement avec une expression évidente de pitié.

— Ne vous étonnez pas de ma distraction, comte, lui dis-je. J’éprouve une sensation très étrange : évidemment, je suis pour la première fois dans votre château, et, néanmoins, il me semble que j’ai vécu ici des années entières.

— À cela, rien d’étonnant : tous nos vieux châteaux se ressemblent.

— Oui, mais c’est expressément ce château que j’ai vu… Croyez-vous à la métempsycose ?

— Comment vous dire ?… Ma femme y croit ; moi, pas beaucoup ; mais tout est possible.

— Oui, tout est possible, j’en suis de plus en plus persuadé.

D’une phrase aimable et plaisante, le comte exprima le regret de n’avoir pas habité le château cent ans plus tôt, pour avoir déjà le plaisir de m’y rencontrer.

Vous cesseriez peut-être de rire, lui dis-je,